Un implant dentaire moderne (XVIème-XVIIIème siècle) mis au jour dans l’église des Billettes (Paris, 4ème arrondissement)

Par Priscillia Debouige (DHAAP) et Valérie Delattre (Inrap)

La volonté de suppléer une dent manquante date d’environ 5000 ans avant notre ère : un implant sculpté dans un coquillage et en place dans le maxillaire d’un défunt a été retrouvé dans la nécropole néolithique de Gebel Ramlah, en Égypte (Delattre, 2018). Les spécialistes sont incontestablement les Étrusques et les techniques qu’ils ont inventées puis déployées ne sont guère éloignées de l’exemplaire parisien pourtant plus récent : l’un des premiers cas reconnus de contention parodontale (une ligature métallique en or mou ajustée aux incisives pour maintenir une canine branlante) a été retrouvé sur un squelette de la nécropole d’Orvieto. À Tarquinia, diverses sépultures ont livré des exemples de mainteneurs d’espace et de prothèses dentaires de remplacement faisant appel à des techniques que les Romains amélioreront en mettant au point des systèmes prosthétiques encore utilisés au XVIIIème siècle.

Fig. 1 : Incisive percée dans son tiers inférieur de deux perforations recevant chacune un fil d’or noué aux extrémités par une torsade permettant une fixation de la prothèse sur les dents adjacentes lorsqu’elle est maintenue en place sur le maxillaire (système qui autorise une implantation amovible, sans doute adossée à une recherche d’esthétique plutôt que de fonctionnalité). Cliché P. Saussereau, DHAAP.

De nombreux bridges égyptiens ont aussi été retrouvés sur des momies : une, voire plusieurs dents, sont attachées ensemble ou/et à la mâchoire à l’aide de fils d’or ou d’argent (fig. 1). On peut souligner que les praticiens ont parfois utilisé des dents non usées issus de « donneurs » vivants, ce qui peut être le cas ici (Delattre, 2018).

En archéologie funéraire, il est encore rare de mettre au jour des appareillages compensatoires comme celui de Paris. On peut mentionner la découverte récente, au Chêne, dans l’Aube, d’une tige en fer de 23 mm de long pour 1,85 mm de large, insérée à la place de l’incisive centrale gauche du maxillaire d’un squelette féminin datant du IIIème siècle avant notre ère. Cette pièce, initialement composite servait de support à une couronne sculptée dans un autre matériau, comme de l’os ou de l’ivoire (Seguin et coll., 2014).

L’implant le plus similaire à celui de Paris, a été retrouvé sur le maxillaire supérieur du crâne d’Anne d’Alègre (v. 1565 – 1619), mis au jour, en 1987, dans la chapelle du château de Laval : une des incisives de cette aristocrate proche d’Henri IV a été remplacée par un implant (probablement en bois de cerf) maintenu par des fils d’or enroulés sur les dents voisines et serrés au ras des gencives. Anne d’Alègre souffrait de parodontite et avait perdu sa dent : pour éviter que les autres ne tombent, on lui avait attaché plusieurs dents les unes avec les autres en utilisant des fils d’or inoxydables (fig. 2).

Fig. 2 : Implant dentaire d’Anne d’Alègre. Cliché Rozenn Colleter, Inrap.

Cette similitude de fabrication entre les deux prothèses (avec la seule différence que pour Paris, une autre dent a été utilisée et non un implant en os ou ivoire) et la grande qualité de travail renvoie évidemment au statut social, à l’évidence privilégié des bénéficiaires.

On peut souligner que si les modalités compensatoires sont ingénieuses, ces poses d’implants suggéraient, en amont, une asepsie stricte (bain de bouche avec des feuilles de bardane et de camomille ou des décoctions de thym) évitant les abcès et les infections bactériennes !

Bibliographie

COLLETER, Rozenn. (2018). Soins des riches, soins des pauvres : quand  les inégalités sociales laissent des traces sur les os de nos ancêtres. Dans Prenez soin de vous, archéologie du soin et de la santé : catalogue de l’exposition (p. 20-23). Le Chronographe, Nantes Métropole,  Inrap.

DELATTRE, Valérie. (2018). Handicap, quand l’archéologie nous éclaire. Paris : Éditions le Pommier, Inrap. 235 p.

SEGUIN, Guillaume, d’INCAU, Emmanuel, MURAIL, Pascal & MAUREILLE, Bruno. (2014). The earliest dental prosthesis in Celtic Gaul ? The case of an Iron Age burial at Le Chêne, France. Antiquity, 88 (340), 488-500. <https://doi.org/10.1017/S0003598X00101139>.

Pour citer ce billet : DEBOUIGE, Priscillia & DELATTRE, Valérie. « Un implant dentaire moderne (XVIème-XVIIIème siècle) mis au jour dans l’église des Billettes (Paris, 4ème arrondissement) ». Dans Archéologie du handicap, 14 juin 2021, https://archeohandi.hypotheses.org/588.


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